Rêvé

 

    Et ainsi, revenir, comme du sommeil on s'écarte, et l'on ouvre les yeux pour voir enfin, perçant des hautes frondaisons, les taches de soleil qui nous inondent… et ton corps, fantôme de ma jeunesse sur la mousse fondante, humide encore - ophélie de mes propres crimes - dérivant aux confluents du vertige, de ce juste après reconnaissant et lâche,

    ou même, cerné sous le drap de blancheur indocile, en pleine chaleur dans la chambre obscure, frontière de ton épaule, moiteur et versatilité de tes pensées miroitantes,

    je t'ai rêvé en soumission, je t'ai rêvé esclave sur les anciens marchés de la Méditerranée, à moi seule immolé, je t'ai rêvé en jeune dieu méprisant, en caprices vagues et sanguinaires, je t'ai rêvé épandu comme le fleuve et luxuriant comme un noyé au creux de la vase,

    je t'ai rêvé en conquêtes, et aussi dans l'opacité des corridors, dans les ports des villes étrangères où s'amarrent les longs cargos de la nuit, pour quelques pièces jetées sur la table, pour quelque misère confuse à reprendre,

    et je t'ai voulu, enfin, resplendissant et nu dans le désir sans ombre, plus tranchant à jamais que le cri d'une femme        

 

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A l'étranger

 

Enfin la nuit ramène les barques de tes yeux,
et l'aile de ton rire par les ruelles basses
souviens-toi, mon amour,
nos regards d'assassins,
nos rêves d'étrangers,
et ton cœur de matelot et mes robes d'infante,

Souviens-toi.

Ô j'aimerais tailler ces mots parmi les mots,
ceux que tu n'as pas pris,
que tu n'as pas comptés,
et je voudrais parler dans la mémoire des chambres
que je n'ai jamais vues,

Souviens-toi, mon amour,
des soleils et des linges,
des ombres pénétrantes,
du sang sur la chemise,
de mes épaules nues

Souviens-toi, mon orgueil - je ne t'ai pas connu

 

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